Société
Vingt et un ans après une manifestation, police et syndicats se mettent enfin d’accord sur le nombre de participants
C’est une grande première dans la longue histoire des mouvements sociaux. Selon nos sources contradictoires, le ministère de l’Intérieur et les principaux syndicats du pays viendraient de mettre fin à la traditionnelle polémique autour des chiffres de fréquentation des nombreuses manifestations qui ont lieu ici et là dans l’Hexagone depuis des années. Un exploit qui ne concerne pour l’instant qu’un seul défilé et pas des moindres puisqu’il s’agit de celui qui s’est tenu le 1er mai 1992 à Paris. Décryptage.
C’est une grande première dans la longue histoire des mouvements sociaux. Selon nos sources contradictoires, le ministère de l’Intérieur et les principaux syndicats du pays viendraient de mettre fin à la traditionnelle polémique autour des chiffres de fréquentation des manifestations qui ont lieu ici et là dans l’Hexagone depuis des années. Un exploit qui ne concerne pour l’instant qu’un seul défilé et pas des moindres puisqu’il s’agit de celui qui s’est tenu le 1er mai 1992 à Paris. Décryptage.
Un consensus difficile
L’annonce s’est faite en grande pompe à l’Hôtel de Ville de la capitale. Anciens représentants syndicaux et membres du ministère de l’Intérieur de l’époque étaient tous réunis pour officialiser cette grande première. Et c’est Pierre Verbrugghe, préfet de police de Paris en poste en 1992 qui a rendu publique la nouvelle à l’occasion de cette conférence de presse : « Nos services, en collaboration avec les différents syndicats interprofessionnels, sont parvenus à un chiffre commun avec ce qui s’est avéré être une opération de comptage plus que difficile. Il semblerait donc, selon nos estimations et celles des syndicats que le nombre de manifestants présents dans les rues de Paris ce jour là ait été en réalité de 125 000 personnes, à quelques milliers près. »
Jean Kaspar était secrétaire général de la CFDT de 1988 à 1992, en charge de l’organisation syndicale au moment des faits. Il est revenu lors de cette conférence de presse sur la méthode employée par les représentants des salariés et les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et de la préfecture: « Au début, on a basiquement confronté nos chiffres mais ça collait pas. Aucun des deux camps ne voulait lâcher ses propres estimations. Alors on a recompté et recompté, encore et encore. Mais ça ne menait à rien on finissait toujours par avoir des écarts de 50-60 000 manifestants dans les chiffres. Alors les discussions se sont arrêtées pendant quelques années. »
Un désaccord qui aura en fait duré plus de 21 ans, le dialogue n’ayant repris qu’en février dernier comme le précise Jean Kaspar : « On a décidé de changer notre fusil d’épaule. On a arrêté de vouloir convaincre l’autre en face et chacun a essayé de prouver sa bonne foi en lâchant du terrain. Les syndicats en revoyant leurs estimations à la baisse et la police en faisant preuve de générosité en arrondissant ses propres comptes à la dizaine de milliers près. Et on a finalement réussi à trouver un terrain d’entente autour de 125 000. »
Un consensus inédit sous la Ve République alors qu’à chaque mouvement social, les deux camps se livrent inévitablement une bataille des chiffres qui commençait à en devenir ridicule. Aujourd’hui à la retraite, l’ancien préfet de Paris fait savoir sa satisfaction : « Cela montre que la police n’est pas aussi fermée qu’on l’imagine. Nous savons écouter les différents intervenants. » Pour l’ancien syndicaliste de la CFDT c’est davantage l’émotion qui règne : « Je suis tellement heureux qu’on ait réussi à trouver une sortie plus qu’honorable dans ce dossier. Je regrette juste qu’Henri Krasucki, qui dirigeait la CGT à l’époque, ne soit plus de ce monde aujourd’hui pour assister à cette grande avancée dans la lutte syndicale. »
Plus de 20 ans de manifs à rattraper
Ce terrain d’entente inespéré pourrait bien porter à conséquence dans les semaines à venir. Tant les pouvoirs publics que les organisations syndicales se sont dits prêts à renouveler la démarche pour d’autres manifestations litigieuses. Thierry Lepaon, à la tête de la CGT depuis mars dernier et présent à la conférence de presse de la mairie a d’ailleurs vivement exprimé son impatience à ce sujet : « Ce sont des centaines de manifestations qui sont à revérifier mais je crois sincèrement en la méthode adoptée pour celle du 1er mai 1992. Je crois que par l’écoute et un certain sens de la concession, nous arriverons à faire la lumière sur toutes les manifestations où la question du nombre de participants a pu susciter la polémique. »
La Rédaction
Illustration: Flickr / carac3
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