Ebola : «J’essaie de rester humble malgré le succès»

On entend beaucoup parler de toi mais finalement on te connaît très peu…

Oui, ça vient du fait que je n’ai pas eu l’occasion d’expliquer mon travail. Vous savez, c’est un peu fou ce qui m’arrive. Depuis un an, je cours partout et j’ai pas eu le temps de me poser 5 minutes pour faire le point. Mais au fond, je suis juste un virus qui a eu de la chance. J’étais au bon endroit au bon moment. Quand je vois les autres virus qui galèrent autour de moi… je me dis qu’il faut savoir rester humble.

Enfin bon, c’est quand même agréable le succès ?

Oui mais vous savez, l’important pour moi, c’est de faire ce que j’aime. Et ce que j’aime c’est détruire les défenses immunitaires des gens de façon à provoquer une liquéfaction des organes internes qui amène la mort en trois à six jours. Si je peux continuer à faire ça toute ma vie, je serai heureux. Le succès, c’est bien mais ce n’est pas le plus important.

Le truc de faire saigner les gens par les yeux, c’est pas un peu show off quand même, non ?

[Rires] Vous savez, il faut bien trouver une signature, le petit truc qui fait qu’on se dit « Putain ça c’est Ebola ». Après je vous rappelle quand même que saigner des yeux, ça fait super mal [rires]. Donc c’est pas seulement de la frime.

Quelles ont été tes influences ?

Je crois que pour les organismes cellulaires de ma génération, la référence ça reste le Sida. J’étais gamin quand il était au top de sa gloire. Et je me souviens qu’on essayait de l’imiter à la récré. « Paf, j’investis tes lymphocytes ! Bam, je te les réduis en miettes ». [Rires]. A l’époque on n’avait pas encore accès à de vraies personnes donc on faisait ça sur des chats. Mais bon, ça reste des supers souvenirs.

Et depuis ton succès, tu l’as rencontré le VIH ?

Oui, on s’est rencontré dans le foie d’un fœtus en Guinée. Je lui ai dit que j’adorais son travail. Et on est devenu amis. C’est étrange d’ailleurs, quand vos héros deviennent des amis. En ce moment, on se parle tous les deux, trois semaines au téléphone. Mais il ne va pas super bien. Je crois qu’il a compris que le succès était derrière lui. Je continue quand même de l’encourager. Des fois, on fait même des virées ensemble dans le corps d’une prostituée du Libéria. Et là, j’ai l’impression qu’il revit.

Un héros du passé ?

Je lisais l’autre jour la biographie de la Peste Bubonique par Max Gallo. Et j’ai été assez soufflé. Surtout quand on pense que ça a été fait au XIVème siècle ! Franchement, on se sent tout petit. L’idée d’utiliser les puces du rat aussi, c’est un coup de génie. Je ne pense pas qu’on reverra de sitôt des bacilles de ce niveau.

Des conseils pour un jeune virus qui débute ?

Quand on commence, on veut tout de suite s’attaquer aux types supers balaises parce qu’évidemment, détruire la vie d’un gars au meilleur de sa forme, ça en jette. Mais je pense que c’est une erreur. J’ai vu trop de jeunes virus se casser les dents. Si j’ai un conseil à donner c’est de toujours commencer par les plus faibles. Les Africains, les enfants, les personnes âgées. Et à partir de là, essayer de conquérir de nouveaux marchés. C’est la méthode que j’ai appliquée et regardez : en moins d’un an je suis passé du fin fond de la jungle africaine à New York!

Aujourd’hui ton plus grand ennemi c’est qui ?

Il y a ce gars aux Etats-Unis qui a compris que mes bêta-protéines avaient un effet immuno-suppresseur et ça, ça m’inquiète un peu parce qu’il pourrait m’envoyer des anticorps de synthèse qui ciblent directement mes follicules B4. Et là bonjour la galère. Ça devient impossible de bosser. Donc je suis en train de travailler sur une mutation efficace qui rendrait ses conclusions inutiles. On verra bien. En tout cas je suis super motivé !

Propos recueillis par Le Gorafi.