Société
Un serrurier confesse qu’à 64 ans il n’aura plus la force d’arnaquer les clients
Si la réforme des retraites est loin de faire l’unanimité, certains métiers sont plus touchés que d’autres. C’est le cas des serruriers. L’un d’entre eux a accepté de nous parler et confie ses doutes quant à sa capacité de continuer à arnaquer ses clients à 64 ans.
« Est-ce que j’aurai encore envie de faire pleurer les étudiants en leur annonçant le prix de la prestation ? Et de toute façon, si je le fais, est-ce que j’éprouverai le même plaisir ? » s’interroge Alain, 52 ans, serrurier depuis trois décennies. Au-delà de la lassitude, c’est aussi la baisse de la créativité qui l’inquiète : « Vous croyez que c’est facile d’avoir de l’inspiration tous les jours et de justifier en termes compliqués le changement d’une serrure qu’on pourrait ouvrir avec un seul tour de passe ? » Puis d’ajouter : « Qui me dit que je serai pas pris d’un peu de pitié au moment d’arnaquer les personnes âgées avec qui j’aurai de moins en moins d’écart ? On n’est pas à l’abri. »
Remise en question profonde
Pour Alain, le questionnement n’est pas seulement comptable, il est également métaphysique « Le travail, ce n’est pas qu’une question d’argent, il faut aussi qu’il y ait de la passion et du sens. Si je ne peux plus escroquer les clients, mon métier n’en a plus aucun. »
Les serruriers ne seraient pas les seuls à éprouver cette crainte. Selon un sondage, 78% des garagistes ont peur de ne plus être assez créatifs à 64 ans pour inventer des noms de pièces à changer.
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